Focus sur l'agrivoltaïsme dans les Alpes-de-Haute-Provence (04) et en France

Agrivoltaïsme : plus de questions que de réponses

Depuis plusieurs années, le territoire des Alpes-de-Haute-Provence a vu l’installation de nombreux parcs photovoltaïques. D’autres sont à l’étude ou en cours de réalisation. Le secteur de la Montagne de Lure, par exemple, est tout particulièrement concerné par ces projets. Il nous semble essentiel de faire le point  et de se montrer très vigilant quant à leur utilité, leur nécessité mais aussi leurs conséquences écologiques, sociales et démocratiques.

Cependant, le développement de ces installations fera certainement l’objet d’un autre focus dans le #SAV. Nous nous cantonnerons dans cet article à la problématique que pose nombre de ces projets, présentés sous la dénomination d’« agrivoltaïsme ».

Que recouvre ce terme ? Est-ce réellement un concept apportant un plus aux éleveurs et exploitants agricoles ou est-ce un alibi pour « verdir » une nouvelle source de revenus financiers ?

Le cadre institutionnel :

Face au retard de la France en matière d’énergies renouvelables (seul pays à ne pas avoir atteint le chiffre fixé par l’Union européenne de 23% de part de renouvelables dans la production d’énergie) la loi ENR adoptée le 10 mars 2023, relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, entend atteindre l’objectif visé par le chef de l’État lors de son discours de Belfort en février 2022, soit de multiplier par dix la production d’énergie solaire pour dépasser les 100 gigawatts.

Cependant, le groupe parlementaire LFI/NUPES n’a pas voté en faveur de cette loi « ENR » qui est largement insuffisante, voire dangereuse car faisant sauter la plupart des verrous existants pour limiter les dérives écocidaires et la spéculation de type « greenwashing » :

  • Elle inclut des dispositions « cheval de troie » du nucléaire, tel le soutien à l’hydrogène bas carbone ;
  • Elle favorise l’agrivoltaïsme qui artificialise les sols et nuit à notre souveraineté alimentaire ;
  • Elle permet le développement des « power purchase agreement » (contrats privés à terme) et l’instauration de ristournes tarifaires discriminatoires, mécanismes fondés sur le marché qui contribuent à rompre le principe de solidarité entre consommateurs ;
  • Elle détricote les lois Littoral et Montagne ;
  • Elle supprime toute participation physique aux débats à l’échelle de la commune.

 

La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) 2019-2028 pose les orientations et priorités d’actions des pouvoirs publics en matière d’énergies. Le volet de cette PPE relatif au développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération définit notamment les objectifs de développement de ces énergies pour les différentes filières.

Pour la production photovoltaïque (9 GW début 2019) la PPE fixe des objectifs de production de 20.1 GW en 2023, et entre 35,1 et 44 GW en 2028, soit une progression annuelle de plus de 3 GW. Plus précisément, la PPE propose d’adopter un calendrier d’appel d’offres correspondant à 2 GW par an pour les centrales au sol et à 0,9 GW par an pour les installations sur grandes toitures.

De ce fait, la pression sur le foncier agricole s’accentue et les sollicitations des opérateurs d’énergie auprès des agricultrices et agriculteurs sont nombreuses et insistantes.

Il faut ajouter que la loi fixe un objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols (« Zéro Artificialisation Nette » – ZAN) en 2050. Un objectif essentiel, lorsque en 50 ans dans certaines régions françaises (PACA) la Surface Agricole Utile a diminué de près de 46% (voir le focus précèdent sur ce sujet).

Définition légale de l’agrivoltaïsme :

Une installation photovoltaïque est dite « agrivoltaïque » lorsqu’elle est située sur la même parcelle qu’une production agricole, en lui apportant directement l’un des services suivants :

  • adaptation au changement climatique
  • accès à une protection contre les aléas météorologiques
  • amélioration du bien-être animal
  • agronomie pour les besoins des cultures

 

L’installation agrivoltaïque ne doit ni dégrader la production agricole, ni diminuer les revenus issus de celle-ci.

On comprend facilement que ce cadre peu contraignant entretient un flou ouvrant la porte à des projets pas forcément vertueux. En effet, de plus en plus d’exploitants accueillent sur leurs terrains des dispositifs photovoltaïques en contrepartie d’un loyer généreux. Des experts s’inquiètent du dévoiement de la pratique, qui privilégierait la production d’énergie au détriment des besoins agricoles.

Voir l’article de Libération de décembre 2021 : https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/agrivoltaisme-attention-a-ne-pas-tomber-dans-le-panneau-20211205_JIOKSQ5UWNENFL6Q7U5INCJSCI/

La position du député :

Afin de faire le point sur cette question qui engage à long terme nos territoires, Léo Walter a voulu aller à la rencontre des différents acteurs de cette politique qui croise développement énergétique et développement agricole (agriculteurs, éleveurs, maires des communes rurales, syndicats agricoles, opérateurs d’énergies, collectifs citoyens…).

Les différents syndicats agricoles convergent vers un positionnement qui semble équilibré et vertueux (voir en fin d’article).

Suite à ces entretiens, il apparaît comme absolument nécessaire qu’un cadre soit posé face au risque d’un déploiement inconsidéré d’installations – sans planification, sans coordination avec les élus locaux ni réelle concertation avec les populations impactées.

Léo Walter rappelle tout d’abord un principe de base : l’objectif n’est pas d’augmenter la production, donc la consommation, mais de remplacer les énergies carbonées par des énergies renouvelables, et ce en allant vers une baisse de la consommation. Ceci pour être à la hauteur des enjeux de protection de la biodiversité et des terres agricoles, et afin d’assurer une véritable souveraineté alimentaire.

D’autres grands principes doivent ensuite s’imposer aux réflexions menées en amont de tout nouveau projet :

  • Privilégier les installations sur les bâtiments industriels, commerciaux, d’entrepôts et logistiques ; les sols déjà artificialisés (parkings, friches industrielles ou urbaines qui ne peuvent être recyclées pour des opérations de renouvellement urbain) ; les sites impropres à toute production agricole (anciennes décharges, mines…), les plans d’eau, les bassins de stockage des crues n’ayant pas de vocation agricole, etc.
  • Prioriser les projets permettant un retour financier aux collectivités publiques.
  • Engager pour tout projet une réelle consultations des acteurs locaux et des citoyens par des enquêtes publiques ayant une large publicité avec, en amont, une information exhaustive, honnête et pluraliste ; et une réelle prise en compte des avis par le commissaire enquêteur.
  • Favoriser les projets portés par des entreprises vertueuses, de préférence issues de l’ESS, en écartant les multinationales éloignées des préoccupations de service public.
  • Enfin, pour garantir la pérennité de la production agricole, la définition de l’agrivoltaïsme par l’ADEME se doit d’être complétée en précisant quelles doivent être les obligations des différentes parties prenantes ; mais aussi différentes modalités quant à la durée de l’installation, sa réversibilité et ses possibilités de transmission ; ainsi que les modalités d’expérimentation et de zone témoin.

Dans l’état actuel de la législation, au vu des retours d’expérience et des exemples concrets portés à sa connaissance, Léo Walter estime qu’il n’y a aucune priorité ni nécessité à favoriser ce type de production énergétique dans notre département. Les risques de mise en place de « projets alibis » imposent une grande circonspection.

Les zones urbaines ou en friche non exploitées pouvant être supports d’installations photovoltaïques ne seront certes pas suffisantes pour faire face à l’ampleur du développement nécessaire de la production d’énergie solaire ; mais il faut penser ce développement de façon planifiée, concertée, et en évitant au maximum d’avoir recours au déboisement ou à l’installation d’infrastructures sur des parcelles agricoles.

Aller plus loin :

Le livret thématique de L’Avenir En Commun : Énergie 100 % renouvelable : sortir des énergies fossiles et du nucléaire     https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/energie/

La position de la confédération paysanne : https://www.confederationpaysanne.fr/mc_nos_positions.php?mc=985

Les Jeunes Agriculteurs demandent un moratoire sur l’agrivoltaïsme en France :  https://www.jeunes-agriculteurs.fr/jeunes-agriculteurs-demande-un-moratoire-sur-lagrivoltaisme-en-france/

Chambres d’agriculture Provence-Alpes-Côte d’Azur :  https://paca.chambres-agriculture.fr/la-chambre-dagriculture-des-hautes-alpes/vous-etes-une-collectivite/amenager-le-territoire/photovoltaique/

Sur le Projet de loi « énergies renouvelables » : un texte bien loin de l’ambition dont le pays a besoin (position du groupe parlementaire LFI/NUPES – 2 décembre 2022).       https://lafranceinsoumise.fr/2022/12/02/projet-de-loi-energies-renouvelables-un-texte-bien-loin-de-lambition-dont-le-pays-a-besoin/