Photo de couverture : Vendredi 26 janvier. Léo Walter et sa suppléante Alice Allamel (elle-même agricultrice) à la rencontre des agriculteurs au rond-point de Sisteron-nord. (photo RB)
Les paysans veulent pouvoir vivre de leur travail : ils ont raison !
Les mobilisations en cours partout dans le pays sont le symptôme d’une crise profonde. Les revendications portées par les différents syndicats (mais aussi par des agriculteurs non syndiqués, qui sont nombreux sur les barrages) soulignent trois difficultés majeures : le sentiment de dénigrement de la profession, l’impossibilité de se rémunérer correctement pour un travail pénible, et l’accumulation des normes de toutes sortes.
Face à cette colère légitime, exprimée par des agriculteurs qui souhaitent avant tout pouvoir vivre dignement de leur travail, le Premier ministre a annoncé vendredi dernier des mesures cosmétiques et démagogiques, qui ne répondent pas aux problèmes structurels de l’agriculture française et mettent de plus en péril ses efforts pour bifurquer écologiquement.
- La colère se cristallise autour de la revendication de pouvoir « vivre de son travail ». Les agriculteurs dénoncent le non-respect des lois Egalim, qui ne garantissent pas la sanctuarisation du prix des matières premières agricoles (PMA). Les dispositifs prévus par les textes sont supposés permettre aux exploitants de rentrer dans leurs coûts de revient : or les pressions et les méthodes de contournement mises en place par les industries agro-alimentaires et la grande distribution sont régulièrement, et depuis plusieurs années, dénoncés par le monde agricole.
- La profession accuse l’État de ne pas protéger la production française contre la concurrence déloyale, et dénonce les différents accords de libre-échange (en cours de signature avec le Mercosur ; votés tout récemment avec le Chili, le Kenya et la Nouvelle-Zélande) favorisant les importations à prix cassés.
- Les agriculteurs exigent également un versement direct et immédiat des aides européennes de la PAC (Politique agricole commune), mais aussi des indemnisations sanitaires et climatiques prévues face aux aléas des derniers mois (grippe aviaire, inondations, etc.), ainsi que la défiscalisation de ces sommes. Ces mesures ne peuvent cependant être décorrélées des revendications précédentes sur les salaires et les prix-plancher, et ne peuvent à elles seules solutionner les défaillances de la PAC.
- Les syndicats demandent aussi une mise en place rapide du pacte pour le renouvellement des générations dans l’agriculture qui a été présenté en décembre par Marc Fesneau : ils attendent une « loi forte » qui portera des « mesures fiscales/sociales », destinées à faciliter l’installation de jeunes agriculteurs et la transmission des exploitations. D’ici 2030, les agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs, bûcherons vont connaître 181 700 départs en retraite, pour seulement 92 600 arrivées, soit près de 90 000 agriculteurs en moins ! En tenant compte d’une prévision de 23 400 destructions nettes d’emploi, on s’attend à 65 600 postes non pourvus en 2030, soit environ 15% de la filière. De leur côté, les maraîchers et viticulteurs devraient être 86 000 à partir, pour 55 000 arrivées de jeunes, ce qui se traduit par un manque d’effectifs de 32 000 personnes, soit 14% de la filière. Un renouvellement urgent des actifs agricoles doit être impulsé, et ce renouvellement ne pourra se faire sans protection de l’emploi, via une politique ambitieuse de juste rémunération.
- Enfin, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs appellent à un « chantier de réduction » des normes.Dans leur viseur principalement : les dispositifs de protection de l’environnement adoptés ces dernières années, et jugés trop contraignantes par les exploitants. La Confédération Paysanne appelle plutôt à un accompagnement économique à la transition agroécologique et climatique, à la hauteur des enjeux, avec une priorité à l’installation face à l’agrandissement des exploitations, et un arrêt de l’artificialisation des terres agricoles.
La position du député Léo WALTER et du groupe LFI-NUPES :
Protéger les revenus des agriculteurs, une priorité :
- Assurer un revenu garanti aux agriculteurs : le groupe parlementaire LFI-NUPES a proposé une loi, lors de sa niche parlementaire du 30 novembre 2023, visant à encadrer les marges de la grande distribution. Elle comportait entre autres un article pour l’établissement de prix planchers fixés en fonction des coûts de production, article adopté dans l’hémicycle. La minorité présidentielle a tout fait pour que la proposition de loi dans son ensemble soit rejetée, ce qui fut le cas à 6 voix près.
- Relever les retraites agricoles au niveau du SMIC revalorisé (1600 € net par mois) pour une carrière complète, y compris pour les retraités actuels.
- Imposer des critères à la commande publique pour offrir des débouchés à nos agriculteurs, par exemple mettre en place un approvisionnement 100% local et très majoritairement bio dans les cantines scolaires.
- Indexer les salaires sur l’inflation. Augmenter le SMIC ainsi que l’ensemble des salaires, les retraites, les minimas sociaux pour permettre à tous de se fournir en produits locaux et de qualité.
Appliquer nos normes de production aux produits importés :
- Seul le groupe The Left, dont font partie les députés insoumis au Parlement européen et qui est présidé par notre députée européenne Manon Aubry, a voté contre les accords de libre-échange soutenus par le gouvernement Macron, et qui étranglent les agriculteurs français en les soumettant à la concurrence déloyale avec des pays moins-disant socialement, fiscalement et environnementalement.
- Mais cette concurrence s’exerce aussi entre pays européens ! C’est pourquoi la France Insoumise exige que le gouvernement d’appliquer en urgence des clauses de sauvegarde, afin d’empêcher toute importation agricole ne respectant pas les mêmes règles que l’agriculture française et mettant en danger notre santé et notre économie. Cela peut être fait immédiatement par décret, comme ce fut le cas pour les cerises traitées au diméthoate à partir de 2016 !
- La solution est simple : on n’importe pas ce qu’on interdit chez nous, et on arrête avec le grand déménagement du monde qui tue l’agriculture vivrière partout sur la planète !
Mais la réponse à la crise ne peut pas être la régression écologique et sociale :
- Les agriculteurs sont les premières victimes lorsque l’on abaisse les exigences environnementales (par exemple en autorisant à nouveau le glyphosate). Ils ont des familles, des enfants, et ne souhaitent pas les voir subir un avenir hypothéqué par la fuite en avant productiviste de l’agriculture mondiale.
- Ils sont aussi parmi les premiers touchés par les accidents du travail, les maladies professionnelles ou le suicide : les chiffres de la MSA témoignent sur ces 3 dernières années d’une augmentation de près de 30% des morts au travail ainsi que des suicides chez les agriculteurs. La priorité doit être de mieux les protéger, et de mieux les accompagner dans la bifurcation écologique qui reste une nécessité absolue.
Soutenir les agriculteurs dans la bifurcation écologique :
- Le groupe parlementaire LFI est force de propositions concrètes, et a remporté des victoires ! Lors des discussions autour du PLF 2024, 600 millions d’euros supplémentaires pour des aides agro-environnementales et au bio en 2024 ont été votés à la majorité des députés : mais ce vote, comme de nombreux autres, a été balayé par un 49-3 du gouvernement.
- La France Insoumise exige un accompagnement ambitieux pour la bifurcation écologique. Le groupe LFI a entre autres proposé une refonte du plan stratégique national de la PAC : aides à l’actif plutôt qu’à l’hectare ; doublement des aides aux petites et moyennes exploitations (paiement redistributif) ; triplement des aides pour la mise en place des mesures agro-environnementales et climatiques ; triplement des aides à l’installation, fléchées vers la transition ; doublement des aides à la conversion à l’agriculture biologique…
Faciliter la vie des agriculteurs :
- Lors des débats sur le PLF 2024, la France Insoumise a proposé le financement d’un service de remplacement (pris en charge à hauteur de 25 jours au moins) afin de l’aligner sur le nombre de congés payés pour un salarié.
- Lors de sa niche parlementaire du 30 novembre 2023, le groupe parlementaire LFI-NUPES a fait adopter une proposition de loi pour la rematérialisation de l’ensemble des services publics, ce qui bénéficierait à l’ensemble des ruraux et donc des agriculteurs.
"Avec mes collègues LFI des départements ruraux, nous n'avons pas attendu cette mobilisation pour écouter, agir et proposer" :
À l’initiative du député de la 2e circonscription des Alpes-de-Haute-Provence, Léo Walter, une réunion publique sur la Loi d’Orientation et d’Avenir Agricoles (LOAA) s’est tenue vendredi 8 décembre à Mane, en présence de Mathilde Hignet, députée d’Ille-et-Vilaine et de représentants des syndicats agricoles du 04.
AgriTour et réunion publique sur la Loi d’Avenir et d’Orientation Agricole
Pour en savoir plus ….
La France Insoumise répond aux #agriculteursencolere
- Un texte de Clémence Guetté : » Voilà pourquoi les insoumis soutiennent la révote agricole en cours. »
Message des auteurs :
En raison des mobilisations agricoles qui ont lieu en ce moment dans toute la France, nous mettons notre documentaire Tu nourriras le monde en ligne en accès libre sur notre site internet : https://parolesdepaysans.wixsite.com/parolesdepaysans/tu-nourriras-le-monde
N’hésitez pas à le partager à tous ceux qui cherchent à mieux comprendre ce qui se joue réellement en ce moment !
Bien à vous,
Nathan Pirard & Floris Schruijer
Co-réalisateurs du documentaire